C.G.T Saint Gobain Cognac

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Celui qui lutte peut perdre… celui qui ne lutte pas a déjà perdu…(À méditer) Tous ensemble, unis nous sommes plus forts.


Marx, l’éternel incompris

Publié par C.G.T Saint Gobain Cognac sur 8 Mars 2010, 16:16pm

Catégories : #Info sur le net

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Amalgames, mensonges, personnes le citant n’ayant même pas pris le temps d’ouvrir un seul de ses ouvrages, raccourcis... Bref, Karl Marx a dû bien user sa tombe à force de s’y retourner. Alors que l’analyse sociologique du philosophe est plus que jamais d’actualité, il m’a semblé important de démonter l’image caricaturale de sa pensée ainsi que son détournement aussi bien par ses détracteurs que certains militants la revendiquant.


Ses adversaires voient dans sa pensée l’idée d’un État omniprésent et totalitaire négligeant l’individu. La base même de la prise du pouvoir d’État, dans le marxisme, doit être une phase pour engendrer sa disparition, cette conviction, Marx n’a cessé de la prôner contre, par exemple, le social-démocrate Lassalle. En cela il se démarqua radicalement des anarchistes qui souhaitaient son abolition immédiate. Pour Marx, l’État est un instrument de la bourgeoisie qui assure sa domination par la force et la répression, son idée de la révolution réside dans sa transformation en brisant cette machine dans un sens démocratique (fin de l’armée permanente, fonctionnaires élus et révocables, suppression des privilèges politiques etc.).

Les dérives de la révolution bolchevik ont définitivement fait adopter à la majorité de la population que le marxisme est anti-démocratique (qui furent fortement liées au contexte : guerre civile, sous-développement et absence d’institutions démocratiques préalables entre autres). Au sujet de l’échec de la révolution, Trotsky demeure de toute évidence le meilleur critique, combattant incorruptible pour la démocratie (il en est mort...). Karl Marx estimait que la révolution anti-capitaliste n’aurait de succès que si elle se produisait dans les conditions du capitalisme développé (au passage, il l’imaginait se produire d’abord en Europe), sur la base de ses contradictions : baisse du taux de profit, concentration de la propriété, crises de la surproduction, paupérisation extrême... Quand le capitalisme créée une classe de salariés destinée à devenir majoritaire aux intérêts contradictoires avec ceux de la bourgeoisie, ceux-ci deviennent les agents de la transformation sociale, la révolution communiste doit donc être « le mouvement spontané de l’immense majorité dans l’intérêt de l’immense majorité ». Le peuple acteur et bénéficiaire, n’est-ce pas là l’idéal démocratique ? Quand Marx critique la « Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen », il ne nie pas les droits de l’Homme en soi mais y voit une trop forte défense de la propriété privée, menant à des illusions. On comprend que le philosophe ait préféré prendre partie pour la Commune de Paris car elle fut une véritable « dictature du prolétariat ». Le gros mot est dit, expression jamais comprise. Suffrage universel, liberté de pensée, d’expression et d’association... Avons-nous affaire à une dictature ?

Les penseurs libéraux, le dernier en date J. Rawls, justifient l’inégalité des Hommes dans une logique de compétitivité, qui permettrait aux plus défavorisés d’améliorer leur sort. Cynisme ou naïveté ? On ne saurait dire, mais l’auteur du « Capital », quant à lui, tout en luttant pour l’égalité, n’a cependant jamais été le partisan d’un égalitarisme absolu. Il part simplement du postulat évident de l’immense inégalité entre les propriétaires et les prolétaires, ceux qui ne possèdent que leur force de travail. L’inégalité est alarmante, l’homme obligé de signer « librement » un « contrat » ne peut avoir accès aux richesses sociales et sa vie se distingue par une plus faible espérance de vie, une moins bonne santé... À ce sujet, il n’a rien inventé, mais il innove en comprenant la manière dont la société est organisée selon ce schémas. Et, au-delà des inégalités sociales, le capitalisme en génère d’autres, anthropologiques notamment, contre-nature ; aliénés, les travailleurs n’ont pas accès aux formes supérieures de l’existence : l’art, la réflexion philosophique etc. Dans la Critique du programme de Gotha on peut y lire « Un individu l’emporte physiquement ou moralement sur un autre, il fournit donc dans le même temps plus de travail ou peut travailler plus de temps », on s’éloigne franchement de l’égalitarisme ! La base du communisme marxien : la production pour la satisfaction des besoins contre une société obsédée par la production et la recherche du profit, obstacle à l’épanouissement individuel.

Le terme de « communisme » effraie souvent dans le sens où son suffixe impliquerait de nier l’importance de l’individu. Si Marx, au contraire des individualistes, part de la collectivité dans son analyse de la société, il n’a absolument jamais nié cette importance. D’ailleurs, sachant que sa pensée cherche à émanciper la masse, le libérer de l’aliénation, n’est-ce pas là déjà une preuve suffisante ? La propriété privée de l’économie, comme l’analysera plus tard Mendel, empêche l’homme d’exercer un pouvoir sur ses actes. Et Marx de constater que dans l’histoire une situation anthropologique s’est imposée nous empêchant de nous réaliser en tant que sujet (rapport à la nature, activité productrice...). L’analyse marxiste insiste sur le fait que c’est justement le capitalisme qui nie l’individu en mettant de côtés ses besoins. J’aimerais terminer ce chapitre sur deux citations : « le communisme est une association dans laquelle le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous » et la célèbre phrase « de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins ».

 

L’exploitation telle que la décrit Marx aurait disparu et son analyse serait obsolète. Je n’étais pas au courant.

Le XXe siècle est probablement le plus impressionnant de notre histoire en ce qui concerne les transformations. Les nouvelles formes de production et l’extension des activités de service ont entraîné l’essor des « classes moyennes », l’information est mondiale, les conquêtes syndicales et politiques ainsi que le développement technologique ont radicalement changé le niveau de vie du prolétariat si bien qu’il remet en question le fait d’être exploité. Le terme « exploité » n’est envisageable pour beaucoup que dans une situation de misère extrême. C’est une belle erreur, et pour cela, il faut bien comprendre la notion de plus-value. Le capitalisme repose sur l’achat de la force de travail par le biais de contrats qu’il utilise à son profit. Dans cet échange, le capitaliste récupère plus qu’il n’a donné ce qui implique forcément que le salarié n’est en réalité payé que sur une fraction de production et ce, quelque soit son secteur (primaire, secondaire, tertiaire). Cette fraction paie le renouvellement de sa force de travail. C’est cette différence qui constitue la plus-value qui la source du profit engendrant l’augmentation de la production et la concentration de richesses individuelles. En gros, nous ne sommes pas payés pour notre travail mais notre force de travail, ce qui masque l’exploitation. N’étant pas agrégé de philosophie, je ne sais pas si je suis assez clair, mais cette notion est vraiment primordiale car elle cible l’origine même des problématiques socio-économiques actuelles.

D’un certain point de vue, Marx prédisait la société actuelle issue de la marchandisation du salariat, des sciences et techniques au service de l’économie, de la concurrence, la concentration de la propriété privée et par-dessus tout le pillage des pays pauvres dans le contexte du marché mondial qui ne connaît aucune frontière. L’illusion des Trente Glorieuses est achevée et l’on voit bien, au travers de l’augmentation des inégalités et la perte des acquis sociaux, que les valeurs marchandes priment sur la vie sociale.

Par ailleurs, « la lutte des classes » n’est pas une invention de Marx. Des historiens, bien avant lui, ont compris l’existence de classes aux intérêts divergents expliquant le conflit. L’apport marxien réside dans sa vision de son rôle dans l’histoire (à l’exception des sociétés premières) : rapport maître-esclave, seigneurs-serfs, bourgeois-prolétaires. Vecteur des dynamiques politiques et sociales historiques. Pour Marx, le capitalisme renforce ce rapport en concentrant la propriété privée mondialisée et en développant un prolétariat sans cesse croissant. Le philosophe voit avec clarté la lutte des classes « tantôt ouverte, tantôt dissimulée ».

 

Ex-marxiste, dévorant son œuvre, plus j’adhérais à son analyse sociologique, plus je me suis éloigné de son projet politique. Bien que je suis toujours d’accord avec la cœur de sa pensée, je m’en suis écarté au fil du temps tout en restant anticapitaliste. Voici quatre citations retenues au fil de diverses discussions très révélatrices. Les deux premières viennent de ses détracteurs : « Ça serait triste un monde où l’on serait tous pareils » (perdu ! Marx prônait plus que jamais les personnalités individuelles), « je ne veux pas qu’on m’empêche d’ouvrir ma boulangerie » (je ne savais pas que Marx voyait les petits commerçants comme des grands capitalistes). Les deux dernières viennent de militants marxistes : « quand ça sera le socialisme les gens feront des manifestations parce qu’ils seront contents » (et non ! Marx n’a jamais cru en une société parfaite), « non mais je ne suis pas pour la démocratie, je suis pour la dictature du prolétariat ! » (alors elle, non seulement elle n’avait rien compris, mais en plus elle m’a fait peur !).

Karl Marx lui-même ne se disait pas « marxiste » car il avait conscience que cela mènerait vers une forme de dogme et donc fatalement au totalitarisme. L’histoire lui a donné raison.

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