C.G.T Saint Gobain Cognac

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Celui qui lutte peut perdre… celui qui ne lutte pas a déjà perdu…(À méditer) Tous ensemble, unis nous sommes plus forts.


Le pénible débat sur la pénibilité

Publié par C.G.T Saint Gobain Cognac sur 14 Septembre 2010, 06:02am

Catégories : #pénibilité

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Depuis quelques semaines les français semblent avoir admis qu’il leur fallait faire preuve de courage et affronter le monde réel sur le problème du financement des retraites (qui est qualifié par « The Time »  de « conte de fée français ») . Notre système de retraite basé sur la répartition est évidemment menacé de  banqueroute. On devrait aisément entendre qu’un système construit tout en entier sur le travail ne peut se maintenir sans grand bouleversements si le nombre de cotisants se réduit alors que le nombre de bénéficiaires (et la durée des retraites) lui augmente très fortement. Il y a là une arithmétique simple qui était toute entière inscrite  dans l’histoire des baby boomer de l’après guerre (les générations nombreuses qui avaient travaillé après guerre, s’arrêteraient forcément de travailler mais ne pourraient être remplacées en totalité par les générations suivantes). Comme notre univers social ne peut changer sans marchandage, il a inventé un nouveau Graal censé remettre de la justice sociale dans le débat : la pénibilité.

 

Pour faire passer la pilule (amère, mais il y en aura sans doute d’autres plus amères au cours de la décennie) les pouvoirs publics se sont emparés d’une perche très savonneuse, celle tendue par les syndicats et la gauche : la prise en compte de la pénibilité du travail.

 

Ce débat sur la pénibilité au travail me semble non seulement mal engagé mais également très périlleux. Non pas bien évidemment que nous souhaitions nier ici le caractère usant, difficile ou dangereux de certains métiers. Mais la pénibilité (d’un travail, d’une existence) est aussi une notion subjective et personnelle, tout comme la difficulté à vivre une existence décente ou encore la capacité individuelle à construire un projet professionnel.

 

Dans le système actuel (pas très lisible pourtant du fait des 38 régimes de retraite) les modalités d’accession à la retraite étaient à peu près connues. Et même si l’âge peut encore fluctuer (ou le nombre d’annuités) on semblait admettre que pour un même emploi, la même branche professionnelle ou le même statut, les droits et devoirs de chacun étaient à peu près stabilisés et connus dès l’embauche.

 

Désormais avec la pénibilité nous entrons dans le champ de l’interprétation, de la subjectivité, des paliers, de la complexité et surtout de l’individualisation des Droits. La retraite risque de connaître les même travers que l’impôt : de la progressivité aux innombrables niches fiscales ou sociales, les statuts et les avantages acquis rendent l’impôt injuste, illisible et de moins en moins efficace. La retraite risque de connaître le même sort.

 

Dans quelques années le cas par cas entraînera d’immenses injustices qui tiendront de la force collective de négociation ou de la capacité de chacun à mettre en avant ou négocier son handicap ou ses difficultés. Il n’y aura plus une marche commune et chiffrée à franchir (les 60 ou les 65 ans) mais des marchandages, des pressions (sur les médecins), de recommandations et au final une inégalité bien plus importante des travailleurs face à leur droit à une pension.

 

La Loi était dure, mais c’était la Loi. Désormais la Loi risque d’être molle mais surtout d’application totalement subjective et disparate. L’âge qui était un élément chiffré et incontestable ne sera plus qu’une des multiples données qui permettra un accès illisible au droit à la retraite.

 

En second lieu il faut également s’interroger sur le terme « pénibilité », qualificatif en passe d’être associé au travail par les seuls français (autrefois le travail était vital, il était difficile certes mais on travaillait pour vivre, désormais au sein de notre état providence (pour combien de temps ?)on travaille pour se constituer des droits.

 

Le travail depuis 30 ans semble être devenu optionnel, superflu, un mauvais moment à passer entre l’enfance qui s’étire jusqu’à 25 ou 30 ans (un étudiant n’est pas un actif au sens de l’INSEE) et la retraite qui doit être prise le plus tôt possible et doit durer le plus longtemps possible.

 

 La pénibilité signifie donc qu’il y a des métiers pénibles, mais pénibles implique évidemment un jugement de valeur (cet enfant est pénible… pour ses professeurs mais peut être pas pour ses copains !).

 

Dans le Petit Larousse de 1904 pour définir « pénible » on trouve : qui fatigue, qui afflige. Un métier pénible serait donc un métier qui fatigue.

 

Sur le site larousse.fr en 2010 on trouve la définition n’a guère changée : Qui se fait avec peine, qui exige un effort difficile : Travail pénible.

 

Il est donc entendu qu’un travail pénible est un travail difficile, fatiguant. Mais ne pouvons nous convenir que tout travail (sauf de très rares exceptions comme « testeur de matelas » ou enfonceur de porte ouverte ») est fatiguant ? On peut même avancer que s’il y a du travail c’est qu’il y a un problème, des difficultés à résoudre et que résoudre ce problème entraînera une certaine fatigue pour le travailleur (quand j’appelle un plombier c’est bien parce que j’ai une fuite d’eau et non pas pour lui faire admirer la beauté de mon installation sanitaire).

 

A lire et à écouter les tenants de l’égalitarisme à tout crin, les personnes exerçant des métiers pénibles devraient pouvoir compenser une plus faible espérance de vie par un départ anticipé à la retraite.

 

Ainsi nous irions jusqu’au bout du paradoxe de l’Etat providence : le citoyen travailleur d’un pays providence aurait acquis à la naissance un droit à X années de vie, si statistiquement son espérance de vie après la retraite est moins importante il faudrait compenser son moindre accès au paradis de la retraite par un accès précoce à cette même retraite. La retraite serait le port en eaux douce obligé que tout citoyen devrait rejoindre au plus tôt pour s’extraire d’un monde du travail forcement décevant et dépourvu de valeur.

 

Financièrement ce traitement social du chômage poussé à son paroxysme n’est pas viable. Comment imaginer qu’un citoyen, entrant sur le marché du travail à 25 ans (c’est devenu presque la normalité), travaillant durant 35 ans au maximum, pourrait encore bénéficier d’un temps d’inactivité financé par la collectivité durant 30 ou 35 ans ?

 

Cette vision du travail rare et peu motivant est dangereuse et pourrait bien se retourner contre ceux qui la professent.

 

En troisième lieu, si la pénibilité devait être réellement prise en compte comment justifier que le militaire (qui n’a souvent jamais combattu) ou le cheminot (qui n’a certainement jamais conduit de locomotive à vapeur) et bien d’autres partent dès 50 ou 55 ans à la retraite ? Leurs métiers sont-ils si pénibles ? On en doute mais comme il s’agit de conserver des avantages acquis depuis des lustres on comprend mieux le débat sur la pénibilité : faire entrer toujours plus d’actifs dans le système d’assistance quitte à ce que ce système social financé par la dette explose bel et bien dans quelques années (le « care » pourrait nous coûter très cher).

 

 La vie de certains français est pénible, d’autres personnes ne vivront pas de semblables conditions comme pénibles et cette subjectivité ne peut entrer en ligne de compte pour le droit à la retraite. Nous ne sommes pas égaux devant le travail, devant la vie et devant la mort et prétendre que chacun doit disposer du même droit à se reposer après le travail c’est faire fi des choix individuels de chacun, choix de carrière professionnelle, d’études, (nous ne sommes plus au temps de Zola et la formation professionnelle devrait permettre de remettre de la mobilité dans le travail), choix d’hygiène de vie, choix de qualité et de sens donné à la vie sociale..

 

La retraite doit reprendre son sens premier, permettre au travailleur usé de se retirer de la vie professionnelle. Il ne s’agit évidemment pas de mourir au travail mais bien de réhabiliter le travail comme n’étant pas cette parenthèse pénible dans une vie consacrée aux loisirs, à la détente et au farniente.

 

Plus globalement, si les français ne sont pas différents des autres peuples de la terre, le seul fait d’être né dans la patrie des Droits de l’homme ne leur donne pas un avantage social sur les autres habitants de la terre (qui de fait subventionnent notre social)

 

On ne prête qu’aux riches mais notre richesse devient de plus en plus celle d’héritiers qui pourraient un jour ou l’autre découvrir qu’ils ont dévoré la totalité du gâteau (leur capital économique, social et culturel).

 

Didier Cozin

 

Auteur des ouvrages « histoire de DIF » et « Reflex DIF »

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