C.G.T Saint Gobain Cognac

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Celui qui lutte peut perdre… celui qui ne lutte pas a déjà perdu…(À méditer) Tous ensemble, unis nous sommes plus forts.


La justice des mineurs en danger ?

Publié par C.G.T Saint Gobain Cognac sur 2 Décembre 2008, 15:40pm

Catégories : #Société

Alors que la commission présidée par André Varinard rendra public le 3 décembre son rapport quant à la réforme (abolition ?) de l’ordonnance du 2 février 1945 [1] concernant les mineurs délinquants, cette affirmation majeure tirée de l’exposé des motifs raisonne encore avec force : « la France n’est pas assez riche d’enfants pour qu’elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains ». Aussi, le sujet demeure bien trop important et complexe pour émettre quelque avis qu’il soit sans prendre en compte les éléments de connaissance fondamentaux qui sont à notre disposition. Même si tant a été écrit sur les adolescents, depuis les sumériens en passant par la Grèce antique de Socrate, ces derniers ont toujours été placés au premier rang des différentes figures de la dangerosité.


Soixante dix propositions pour une réforme majeure du droit des mineurs, tels sont les résultats des travaux menés par la commission nommée par Rachida Dati au mois d’avril 2008. Les conclusions produites devraient aboutir à un texte de loi annoncé pour le mois de juin 2009. Aussi, la commission aura bien travaillé à la commande institutionnelle en proposant un arsenal pénal encore plus rugueux à l’endroit des infracteurs mineurs, répondant parfaitement aux souhaits sous-jacents du président de la république toujours prompt à élargir le filet pénal.

 

Que ce texte historique, promulgué au sortir de la seconde guerre mondiale et amendé à trente et une reprises depuis sa rédaction, soit réformée de fond en comble pour faire place à un code des mineurs plus synthétique qui réunirait l’ensemble des législations ayant trait aux adolescents peut se défendre. Il y a là un large consensus partagé par tous les acteurs de la justice des mineurs.

 

Pour autant, est-il réellement besoin de durcir l’échelle des peines en vigueur en proposant, par exemple, l’emprisonnement possible dés l’âge de douze ans pour des faits qualifiés de crime, alors que la norme européenne est de quatorze ans ? C’est une des questions précises que pose la réforme envisagée, tout en remettant en cause l’esprit essentiel de l’ordonnance de 1945 qui fait primer l’éducatif sur le répressif, même si la finalité éducative de la sanction pénale, chère à notre conseil constitutionnel, devrait être maintenue dans le corps du futur texte. C’est en fait sur ce point que se cristallisent toutes les critiques les plus virulentes, tant les évolutions juridiques envisagées durciront la nature des sanctions pénales prononcées à l’encontre des mineurs auteurs d’infractions.

 

Les critiques sont justifiées et faut-il rappeler combien nos lois sont déjà de plus en plus répressives, cédant à la tentation du « populisme pénal » dénoncé notamment par Denis Salas [2]. Concernant la répression des jeunes délinquants il en va de même, n’en déplaise à notre Président qui avait dénoncé injustement une justice des mineurs trop laxiste, en visant expressément le tribunal de Bobigny et son magistrat des enfants emblématique Jean-Pierre Rosenczveig [3].

 

Rappelons ici que les condamnations criminelles à l’encontre des adolescents de moins de douze ans en 2006 s’élevaient à une cinquantaine, alors que seuls 1,3% des 206 700 mineurs impliqués par la justice entrent dans le champ des actes qualifiés de crimes par le code pénal. Quant au débat concernant la hausse infernale des passages à l’acte commis par les mineurs, les spécialistes ont un regard beaucoup moins affirmatif que ne l’indiquent au premier abord les chiffres disponibles.

 

Selon Laurent Mucchielli, il est même totalement infondé de faire pareilles affirmations, chiffres et graphiques à l’appui de sa démonstration édifiante. L’auteur de se demander si la réforme de l’ordonnance de 1945, nécessaire dans la forme, ne cache pas en réalité la ferme volonté de durcir encore et toujours les lois pénales applicables aux mineurs ? La question mérite d’être posée tant l’instrumentalisation du crime à des fins politiciennes reste d’une actualité prégnante.

 

De plus, il est essentiel de signaler combien les données concernant la criminalité sont toujours fonction de multiples variables ajustables à volonté dans un sens ou dans un autre. Ce n’est là que le B.A.BA d’une analyse sérieuse en matière de données sur la délinquance, et c’est ce que démontre avec force l’ouvrage collectif intitulé « la frénésie sécuritaire »[4]. En matière criminelle, la science statistique est rarement des plus objective, chacun le sait, mais beaucoup l’ignorent.

 

Outre les chiffres, la réalité démontre sans ambiguïté que l’énorme majorité des mineurs qui ont fait l’objet d’un suivi ou d’une sanction éducative ne récidivent pas plus qu’ils ne s’inscrivent dans un parcours de délinquance dite de carrière. C’est bien ici la meilleure preuve de la pertinence des méthodes employées ; l’ensemble des professionnels qui ont en charge les mineurs délinquants confirment cela. Leurs pratiques quotidiennes attestent aussi de la nécessité impérieuse d’appréhender le jeune délinquant dans sa totalité complexe. Du milieu familial criminogène, en passant par un parcours scolaire où l’échec vaut titre [5], les professionnels ne peuvent faire l’économie d’une anamnèse chronophage mais indispensable. La connaissance du jeune en difficulté ne peut se satisfaire de moyens humains toujours insuffisants auxquels se substituerait une justice omnipotente qui condamnerait les mineurs justiciables à des peines toujours plus sévères avec une célérité croissante. Il n’y aura ici qu’une incohérence contre-productive. Entre la certitude d’une sanction juste mais réfléchie, et l’absurdité d’une peine expéditive inappropriée, laissons le bon sens des juges des enfants (son appellation devrait aussi évoluer) l’emporter.

 

Dés lors, la solution est-elle de permettre aux magistrats de prononcer une peine d’incarcération dés l’âge de quatorze ans pour les auteurs de délits comme la commission Varinard le propose, alors qu’une polémique autour des EPM (établissements pour mineurs) les remet en cause suite au suicide d’un jeune détenu ? Certainement pas, mais lorsqu’il faut répondre à l’affirmation biaisais qui voudrait faire croire que les acteurs de la délinquance juvénile sont de plus en plus jeunes et commettent des actes de plus en plus graves, on ne pourrait faire meilleure proposition ! Le peuple s’en régale déjà, et que les fauteurs de troubles soient punis comme il se doit.

 

Alors, il ne faut pas hésiter à rappeler combien les jeunes repérés par l’institution judiciaire sont souvent à la fois auteurs et victimes. Mais encore, pour ceux qui commettent les actes les plus graves, il y a dans l’immense majorité des cas un chemin de vie chaotique, tumultueux, empreint de violences subies tout au long d’un parcours personnel insécurisant. Ce qui n’est là qu’un truisme pour les professionnels devrait l’être pour nos législateurs afin que raisons ils gardent lors de la rédaction du futur texte qui fera loi en matière d’adolescence.

 

Dans le domaine qui est celui de la jeunesse il ne devrait pas y avoir de place pour le populisme ambiant, notre société doit veiller à ce que notre droit pénal des mineurs demeure éclairé afin de pouvoir rendre une justice sereine et équitable.

 

Nulle apologie ici d’un laxisme post soixante-huitard. Lorsqu’il y a acte transgressif posé par un mineur qui relève d’une infraction qualifiée, répétée ou non, il faut que la société puisse y répondre par le truchement d’une justice spécialisée dont le champ des possibles en la matière doit aller de la mesure éducative protectrice à la sanction privative de liberté comme ultime recours pour les actes les plus graves. Telle est la situation actuelle posée par l’ordonnance de 1945, gageons que notre législateur puisse conserver l’esprit de ce texte fondateur dans la future loi dédiée aux mineurs.

 

Enfin, comme le rappelle Robert Muchembled dans son dernier ouvrage [6] si, il y a cinq siècles environ, « Aux yeux des autorités municipales du temps, la violence et le viol passent souvent pour des activités banales de jeunes hommes à marier », constatons qu’il en va tout autrement aujourd’hui.

 

 

 

 

 

[1] Ordonnance du 2 février 1945.

 

[2] La volonté de punir, Denis Salas, Hachette littératures, 2005.

 

[3] Justice ta mère, Jean-Pierre Rosenczveig, Anne Carrière, 2003.

 

[4] La frénésie sécuritaire, sous la direction de Laurent Mucchielli, ouvrage collectif, La découvert, 2008

 

[5] Délinquance juvénile et réalisation de soi, Mustafa Hijazi, Masson, 1966 (épuisé).

 

[6] Une histoire de la violence, Robert Muchembled, Le Seuil, 2008.

 

Illustration Unicef

 


 

 

 

Bibliographie concernant les mineurs délinquants

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G
Le gouvernement prépare une réforme de la justice des mineurs. Nous sommes un groupe pluridisciplinaire qui voulons témoigner de la complexité de ces questions et peser, avec vous, dans le débat qui va s’ouvrir :<br /> <br /> http://quelfuturpourlesjeunesdelinquants.fr
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